ELIA, ou le sans-faute des pionnières des culottes menstruelles - Entretien complet

Analyse

ELIA, startup pionnière dans le domaine des sous-vêtements menstruels bios et made in France, vient d’annoncer son adossement en cédant 51% à la marque ROUGEGORGE, deuxième acteur de la lingerie en France qui souhaite développer un pôle Santé, afin d’industrialiser sa production et d’ainsi pouvoir donner suite à une demande de plus en plus forte, pour ne pas dire exponentielle.

L’occasion idéale, pour la Gazette, de revenir avec Marion Goilav, co-fondatrice, sur un parcours idéal, trois ans après avoir réalisé une levée sur Tudigo.

Retour sur l'entretien avec Marion Goilav

C’est une aventure pleine de sens et de réussite. Pour lutter contre le désastre écologique et économique et pour sensibiliser sur le grave problème de l’endométriose, elles ont inventé les culottes menstruelles ELIA : “L'aventure Elia germe fin 2018 dans la tête de Marion. Son endométriose complique depuis toujours son choix de protections périodiques.

Des vacances à l'étranger, une plage souillée par des protections hygiéniques : c'est le déclic. Sa démarche zéro déchet la convainc que quelque chose doit être fait. Apolline la rejoint. Jeune maman adepte du bio, ce sont les alternatives saines et le confort des femmes dans leur maternité qui lui parlent”, peut-on lire sur leur site.

Marion et Apolline ont débuté “dans la cuisine d’Apolline, où elles s’occupaient de toute la logistique :

“Au départ, on comptait vendre 500 culottes mais, en 15 jours, on a eu 10 000 commandes, donc on était bien embêtée car ça n’était ni de la tech, ni du commerce (les secteurs d’où on venait) mais de la prod et de l’industrie, donc on a dû très vite se professionnaliser et passer en mode industriel”, nous raconte Marion.

“En 2019 c’était ultra-innovant, il n’y avait quasiment pas de culottes menstruelles sur le marché. On ne fait que du made in France avec des cotons bios certifiés par des gynécologues, des sages-femmes, sans perturbateurs endocriniens et testés en labo. On a aujourd’hui 1000 produits et une plateforme santé qui réunit 600 000 visiteurs uniques par mois qui viennent se renseigner sur les règles, la grossesse, l’intimité, la PMA, l’infertilité, etc.”

Des sujets que connaissent bien les deux co-fondatrices. Attention, je vous vois venir : non, la Gazette n’a pas posé de questions sexistes sur la grossesse des femmes entrepreneures…

Marion l’aborde allègrement et spontanément parce qu’il y a une logique, un alignement, entre les produits qu’elles vendent et leur vie perso :

“En 2021, j’ai fait une fausse couche tardive à presque cinq mois de grossesse et, fin 2021, je suis retombée enceinte. Apolline, elle, a eu son troisième un peu plus tard. On s’est posé la question, pendant très longtemps, de lever des fonds ou non… C’est ce qu’on a finalement fait sur Tudigo. De mon côté, j’ai accouché trois jours après le lancement de la campagne et Apolline est tombée enceinte de son troisième le jour du lancement. En tout, Apolline et moi, depuis le début de l’aventure, c’est sept grossesses à nous deux ! Voilà le contexte…”

Et parce que l’un n’empêche pas l’autre, leur levée est un succès. Sur Tudigo, elles lèvent 770 000 € auprès de 219 investisseurs. Et mettent un grand coup d’accélérateur jusqu’au tweet fatidique d’Elisabeth Borne, première ministre, le 6 mars 2023, soit deux jours avant la Journée internationale des droits des femmes :

“La précarité menstruelle est une réalité qui touche trop de femmes. C’est une injustice du quotidien. Dès 2024, les protections périodiques réutilisables seront remboursées par la sécurité sociale pour les femmes de 25 ans et moins.” Bim, bam, boum, jackpot !

A la recherche du partenaire industriel parfait…

“Là, on s’est dit qu’on n’allait pas y arriver toutes seules, donc on a voulu refaire un tour mais on n’avait pas envie de refaire tout le roadshow à faire, tous les rendez-vous investisseurs, la due diligence à défendre, les recrutements… C’est à ce moment que l’on s’est dit qu’il fallait qu’on s’adosse à des gens qui ont les ressources et le savoir-faire industriel."

“Il y avait en vue le gros challenge des pharmacies avec 20 millions d’unités à fournir entre septembre et décembre. L’enjeu c’était la trésorerie : nous toutes seules on pouvait sortir 20 000 unités, avec ROUGEGORGE, leur réseau, leur tréso et leur capacité de production on pouvait faire X10 !”

C’est décidé, elles sont prêtes à lâcher la majorité si elles peuvent continuer à piloter l’entreprise.

C’est chose faite et, pour Marion, le mariage semble bien être dans son état de grâce :

Je suis contente de mon choix parce qu’elles vont nous aider à faire de la rentabilité et du chiffre tout en respectant nos valeurs. Cela fait deux mois qu’on a intégré Rouge Gorge et l’intégration se passe à merveille. Tous leurs process sont certifiés B-Corp et tous leurs fournisseurs sont sélectionnés avec une vraie démarche RSE. On va continuer à piloter la boîte avec Catherine Gallais, la DG de Rouge Gorge.” conclut Marion Goilav, enchantée.

Aujourd’hui, Elia, c’est 250 000 clients, 600 000 visiteurs uniques sur le site et plus de 400 000 culottes vendues. Un sans faute, quoi.

Le témoignage de Marion Goilav face au sexisme… Et ses conseils aux femmes porteuses de projet

Pendant notre entretien, Marion Goilav a eu cette phrase :

“Depuis l’époque où j’étais stagiaire jusqu’aujourd’hui, il n’y a pas eu un seul évènement professionnel dans lequel je n’ai pas reçu au moins une remarque sexiste.”

Alors on a voulu en savoir plus, et on n’a pas été déçus… Florilège.

1/ “En stage, j’entre en réunion, et il se trouve que c’est moi qui apporte les verres d’eau. Là, l’un des boss se lève et dit “Ah, la ptite Marion, comment elle va ? Tu es bien jolie aujourd’hui, ça te va bien comme tu es habillée vas-y, fais-moi un ptit tour !” Et moi, à 21 ans, j’ai fait le tour. Je suis rentrée chez moi et je n’en ai pas dormi, je me disais que pour lui je n’étais qu’un bout de viande, que je n’avais pas de cerveau.”

2/ “J’étais en stage chez un aviateur et l’un des directeurs technique du projet m’attendait à chaque sortie de réunion. Il savait très bien que j’allais me marier, il voulait qu’on déjeune ensemble et il usait de sa position… Le jour où je l’ai bloqué, je n’ai plus eu accès aux réunions.”

3/ “Quand j’étais prestataire pour un assureur, je fais une réunion et je reçois ensuite, sur LinkedIn, un message à 23h “Je vous trouve pleine de charme, j’aimerais échanger avec vous.” J’ai répondu que j’allais me marier, et hop!, plus de son, plus d’image alors même que c’était l’un des plus gros clients de la boîte. C’est mon boss qui a dû prendre le relais...” Il m’a sorti des réunions et ça il ne faut pas l’accepter et, s’il le faut,  aller voir sa hiérarchie.

4/ Dans mon ancienne boîte, en pleine levée de fonds, mon boss reçoit des investisseurs. L’un dit :

“Mais où est la troisième associée ?

  • Elle est en voyage de noces.
  • Du coup, ça veut dire qu’elle va bientôt être enceinte ?”

5/ Il y a quelques jours, c’était un politique. Alors que je m’entretenais avec le boss, il a lâché : “On va vous laisser tous les deux et on va éteindre la lumière !” Et là, pour la première fois je me suis dit que la honte devait être de son côté, pas du mien, je lui ai dit : “C’est quoi ton objectif, tu crois qu’en 2024 on peut encore faire ce genre de blague ?” Il a été réprimandé.

Ses conseils pour s’en sortir :

1/ Prenez du recul !

Essayez de vous rappeler que les remarques sexistes ou les comportements déplacés ne disent rien de votre valeur personnelle ou professionnelle.

2/ Remettez-les à leur place !

N’hésitez pas à recadrer fermement ceux qui ont un comportement inapproprié et, s’il le faut, impliquez leur hiérarchie.

3/ Désamorcez rapidement

Réagir rapidement aux remarques sexistes permet de désamorcer la situation avant qu'elle ne devienne plus problématique. Ne vous laissez pas atteindre émotionnellement, essayez plutôt de les aborder avec assurance et professionnalisme. En établissant clairement les limites, on se protège soi-même et on évite que la situation n’empire.

Aujourd’hui en France il y a 15-20 000 business angels et seulement 10% sont des femmes, là où on est autour de 40% en Angleterre. Alors, pour booster l’éducation financière de vos filles afin qu’elles puissent changer le monde, voici trois références recommandées par Chloé Guilfoyle :

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