Levée de fonds : les fondamentaux

Mathilde
29/5/2019
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10 minutes
Alexandre Laing, cofondateur de Tudigo, revient sur la chute d’Unilend, plateforme de prêts de particuliers à des entreprises et explique pourquoi lever des fonds pour lever des fonds ne suffit pas pour réussir ! Chez Tudigo, plateforme de crowdfunding, on sélectionne des projets avec des business models solides pour des levées de fonds qui ne sont pas du financement à perte.

« Unilend, ou l’échec d’un modèle centré sur la foule », « la faillite de Take it Easy qui avait levé 16 M€ remet-elle en cause l’ubérisation »… à chaque fois c’est la même histoire. Une startup lève des fonds, beaucoup de fonds, puis, quelques années plus tard, se retrouve en cessation de paiements.

Symptomatique et inéluctable ? Pas si sûr ! Car, derrière ces échecs très médiatisés, se développent avec succès de nombreuses entreprises qui « ubérisent » des pans entiers de notre économie et lèvent des fonds pour assurer leur croissance. Dans la restauration et le crowdfunding comme ailleurs, elles s’appuient sur un marché, un business model et une rentabilité avérée.

Levée de fonds : l’exemple de la plateforme de crowdlending Unilend.

Avril 2014, à peine lancée, Unilend, une des premières plateformes de crowdlending (prêts de particuliers à des entreprises), lève 1 M€ sur une valorisation de 12 M€ après avoir prêté 2,5 M€ à des TPE et réalisé un chiffre d’affaires de 150 k€, soit une valorisation de 82 fois le chiffre d’affaires.

Mars 2015, la collecte atteint 8 M€ et le chiffre d’affaires 330 k€. Deux fonds investissent 8,1 M€ dans la « pépite » sur une valorisation « pré money » de 19 M€ soit 2,4 fois la collecte annuelle et 59 fois le chiffre d’affaires ! Les autres fonds (dont deux banques privées et une corporate) misent sur Lendix, 3,2 M€ sur une valorisation de 17 M€ soit 6 fois la collecte de l’époque et 97 fois le chiffre d’affaires…Les deux annoncent qu’ils vont prendre 100 % du marché et que le crowdlending remplacera les banques. Pour y parvenir, elles se lancent dans une guerre marketing à coups de pubs TV et de Google Adwords. Résultat, le coût des mots-clés crowdlending, prêt participatif atteint des sommets à plus de 3 € par clic. À ce prix, impossible de faire autrement que de dépenser à perte.

Pourtant, les journaux continuent de titrer sur ces champions français du crowdlending. Et c’est reparti pour un tour avec Lendix qui lève 12 M€ (auprès de 2 fonds et 2 assureurs) sur une valorisation qui atteint 42 M€, soit 2,5 fois la valorisation du tour précédent ou 36 fois le chiffre d’affaires. De son côté, Unilend relève 2,5 M€ auprès d’un nouveau fonds sur une valorisation inchangée et un CA de 870 k€… y aurait-il un problème ?

A l’été 2018, Lendix lève 32 M€ et se donne les moyens d’attendre l’inéluctable : la fermeture d’Unilend, son premier concurrent, qui lui permettra d’asseoir sa position de leader incontesté du crowdlending.

Lever des fonds pour lever des fonds : l’erreur à ne pas faire.

Oui, certaines startups lèvent des fonds sans business model ! Toutes veulent devenir le nouveau Facebook de leur secteur en prenant le marché avant tout le monde, sans se soucier de rentrer de l’argent. Une fois seul, il sera temps de monétiser. En attendant, le service est offert et les fonds servent à financer de la vente à perte .

Qui gagne à ce jeu ? Celui qui tient le plus longtemps. Lorsque Take it Easy ferme ses portes, son fondateur explique que c’est parce qu’il n’arrive plus à lever des fonds : Deliveroo a levé 170 M€, Deliveroo seulement 16 M€… Autre époque même histoire pour l’affrontement entre Viadeo et LinkedIn : LinkedIn mieux financé dès le départ réussit à se faire racheter par Microsoft pour 26 Mds de dollars.

Pour une autre vision de l’entreprise et de la levée de fonds :

Pour nous, une levée de fonds se justifie dans 2 cas :

La création

Financer des investissements matériels ou technologiques initiaux indispensables à la commercialisation d’un produit ou service (travaux, matériel, stock, R&D, fonds de commerce, équipe minimale). Si certaines entreprises peuvent se lancer avec quelques milliers d’euros, certaines demandent des investissements initiaux importants.

L’accélération

Le modèle économique trouvé, éprouvé, la rentabilité démontrée et atteinte ou raisonnablement planifiée (pas pour « peut-être dans 3 ans si on fait x 100 »), la levée de fonds va permettre de financer l’accélération : industrialisation, déploiement commercial, acquisition marketing rentable.

En revanche, on ne doit pas lever des fonds :

• Lorsque l’on ne sait pas ce que chaque euro de CA investit rapportera

• En vue d’une hypothétique mais indispensable prochaine levée de fonds : si je brûle ma trésorerie et que la levée de fonds sur laquelle je compte sans pour autant l’avoir sécurisée ne se fait pas, mon entreprise court le risque dans le meilleur des cas d’être absorbée par « l’investisseur sauveur » ou tout simplement de mettre la clé sous la porte.

Sans modèle économique, dépenser en pub pour grandir pourra faire plaisir à un VC qui se projette sur maximum 5 à 7 ans et a les yeux rivés sur le multiple de valorisation auquel entrera le prochain qui investira ou rachètera. Une démarche qui les amène souvent à se désintéresser de toute entreprise qui fait x2 – x5 à 5 ans, même si elle est sur de bons rails et s’appuie sur un modèle économique solide et une rentabilité démontrée.

Chez Tudigo, on aime les entreprises qui connaissent leur prix de revient et limitent leurs frais fixes en début d’activité. Pourquoi ? Parce que la base d’une entreprise qui dure c’est sa…rentabilité. Le seuil de rentabilité est le niveau de chiffre d’affaires à partir duquel l’entreprise commence à dégager des bénéfices, lui permettant ainsi de rembourser un emprunt, de financer sa croissance voire de verser des dividendes aux actionnaires. C’est facile à imaginer dans le monde des commerces, des restaurants, des brasseries et de l’économie traditionnelle en général.

Levée des fonds pour créer de la valeur :

Contrairement à ce que la chute d’Unilend pourrait laisser penser, cela fait déjà quelques années que le crowdfunding démontre sa pertinence et confirme ses perspectives. Basé sur un modèle économique solide, le crowdfunding est né d’une volonté : celle d’aider les entrepreneurs du quotidien à créer et se développer, en surmontant l’obstacle du prêt bancaire souvent inaccessible faute de fonds propres. Son succès s’est d’abord bâti sur des convictions et une vision, sur la solidité des projets choisis et proposés aux investisseurs.

Outre la solidité de son modèle, le crowdfunding occupe aujourd’hui une place cruciale pour le financement des TPE et PME françaises. Les plateformes comblent un manque et viennent soutenir la création de valeur, l’emploi et l’innovation sur nos territoires. Micro-brasseries, commerces, immobilier, parcs photovoltaïques et énergies renouvelables, elles sont l’opportunité pour tous d’investir dans l’économie réelle, de rendre son épargne productive, utile et rentable.

Depuis leur lancement, les plateformes de crowdfunding ont attiré plus de 4 millions de financeurs. En s’appuyant sur un business model rentable, sur des valeurs citoyennes fortes et des projets entrepreneuriaux solides, le crowdfunding offre des perspectives attrayantes pour tous ceux qui souhaitent y investir, épargnants comme investisseurs.